Parution - revue
Le lit ne sera plus jamais blanc, revue Moeubius no 178
Dirigé par Jennifer Bélanger et Kesso Saulnier
Penser la création
Myriam Tousignant, “Écrire pour se souvenir”
Ces mots ruisselant de nos gorges baignent nos horizons de rouge. Nous pressentons l’incendie: cela s’enflamme déjà sous nos paupières. Nos émotions s’embrasent. Nous voulons être de bois, pour mieux nous enraciner à ce meuble qui nous plombe: brûler. Mais nos sèves coulent encore.
Une déclaration, ou quelque chose d’une prière murmurée: «plus jamais». Espérer que nos corps douloureux soient avalés, entiers, dans le ventre du matelas. Que les draps n’en gardent rien, sinon le froissement. Les jours passent en ombre sur nos visages. Nous demeurons pourtant vivant·e·s. Au creux de nos insomnies, nous nous replions sur la noirceur, nous y réinventons.
Nos regards fixent le même point au plafond jusqu’à y ouvrir une brèche. Dans le ciel nu, nous voyons des formes multicolores en gestation et beaucoup de souffrance. Nous aurons tout le loisir de les peindre, jour après jour, car ce lieu maculé est désormais notre toile et notre buvard.
La sueur fend l’épaisseur de nos chairs et du texte qui s’écrit. Il n’y aura plus de blanc; que des ratures à l’endroit des silences, des traits verticaux pour mesurer le temps fuyant, des feux qui prennent. Ce qui, en nous, appartient aux violences volera en cendres, montera haut. Et ce qui retombera sera matière à étreintes, bribes de rêves, gage de lumière.
Après tant de petites et grandes morts, nous émergerons, fort·e·s de nos complicités avec des mondes à venir, au-delà du présent écarlate.
*La citation-thème est tirée de Choir, de Rosalie Lavoie.